La garrigue est une formation végétale caractéristique des régions méditerranéennes. En France, elle se rencontre uniquement dans le sud du pays, à faible altitude, sur le pourtour du golfe du Lion, du pied des Pyrénées jusqu'en Provence. Semblable au maquis, elle s'en distingue par le fait qu'elle se développe sur un sol calcaire tandis que le maquis pousse sur un sol acide. De nombreuses espèces sont communes à ces deux types de formations, mais chacune d'entre elles possède des espèces qui la caractérise.
Garrigue dominée par le chêne vert
La garrigue a des allures de désert où la roche mère stérile affleure entre la végétation basse, c’est donc un lieu où le minéral est roi et où les végétaux doivent batailler pour éliminer la concurrence. Pour résister aux températures caniculaires qui y règne durant l’été les végétaux ont trouvé plusieurs parades, en effet la plupart des végétaux ont adopté des transformations morphologiques afin de survivre dans ce milieu inhospitalier comme par exemple les feuilles en forme d’aiguilles ce qui limite la surface de contact et donc la transpiration (genêt scorpion, genévrier…) ou luisantes (réfléchissant le soleil : iris nains…). Mais il y a une adaptation encore plus significative qui caractérise la garrigue, il y a deux printemps ! Car si l’été stoppe la croissance des végétaux, elle redémarre de plus belle dès septembre à la faveur de la pluie. Ainsi en automne dans la garrigue, on pourra retrouver presque autant de fleurs, insectes et jeunes pousses qu’au printemps. Le sol est presque dépourvu de terre, et très drainant, il s'assèche donc très vite. La garrigue est constituée de prairies sèches rocailleuses et de petites forêts de chênes verts et de pins d'Alep essentiellement, agrémentés d'un multitude d'arbustes et de plantes herbacées.
Les végétaux de la garrigue sont quasi exclusivement persistants (ils gardent leurs feuilles l’hiver) ce qui leur permet de fabriquer de la photosynthèse toute l’année, cela les rends plus craintifs au gel cependant les hivers sont doux en général dans les régions méditerranéennes (rarement au-delà de -5°C). Mais on trouve quand même quelques espèces à feuilles caduques (ils perdent leur feuilles l'hiver) comme le pistachier térébinthe (Pistacia terebinthus) ou le chêne pubescent (Quercus pubescens).
Malgré son aspect repoussant au premier abord, la garrigue abrite des milliers d’espèces animales et végétales toutes plus incroyables les unes des autres. Elle abrite notamment la couleuvre de Montpellier (2m de long), le lézard ocellé (80cm), et le scorpion languedocien (8cm). Parmi les végétaux les plus caractéristiques on peut citer le pin d’Alep, le chêne vert, le buis, le chêne kermès (garic en occitan d’où l’appellation garrigue), l'arbousier, le fragon, le nerprun alaterne, le romarin, le thym, la lavande, la salsepareille, les genévriers, les pistachiers, les genêts, les filaires, les cistes, les euphorbes et les orchidées.
La garrigue, est aujourd'hui entrelacée de nombreux vignobles. Malgré cela, le paysage n'est plus aussi marqué par l'empreinte de l'homme qu'autrefois. Car sous ses airs désertiques où l’homme n’a pas sa place, la garrigue paraissant vierge a pourtant été créée de toutes pièces par les activités humaines, il est difficile d’imaginer que la végétation qui compose le paysage n’a pas plus de 50 ans, c’est pourtant le cas et très peu de gens le savent, même ceux qui vivent sur place.
L’homme profondément modifié le paysage, car la forêt originelle qui se trouvait à la place de la garrigue ressemblait beaucoup à la forêt de Fontainebleau, plus humide et constituée de grands arbres. C’est le résultat de la présence humaine durant des millénaires. En effet pas un centimètre carré n’a échappé à l’exploitation de l’homme.
Tout commence véritablement vers 5500 avant J.C. quand l’homme est passé du statut de chasseur-cueilleur nomade à celui de cultivateur-éleveur sédentaire. C’est le climat qui se réchauffe depuis des millénaires qui incite l’homme à changer de vie. Venu de l’Est, emportant avec lui l’orge, le mouton et le cheval, l’homme déboise pour semer ses cultures (céréales, vignes) afin de fournir un pâturage à ses bêtes. Les plateaux calcaires, déjà mis à nu par les pluies érosives, poussent les hommes vers les vallons boisés, riches en humus. Conjointement, la population ne cesse de croître jusqu'à l’époque romaine, déboisant un espace de plus en plus vaste au détriment de la forêt originelle. La réalisation de la Via Domitia ne fait qu’accélérer le phénomène, organisant une déforestation systématique pour agrandir les vignobles et faciliter les échanges.
Autour de l’an 1000, les premières constructions en pierres sèches font leur apparition (capitelles…) avec un réseau de murets en pierres sèches à flanc de colline pour étager en terrasses les vignes et plantations d’oliviers. Cependant, la plupart de ces vestiges ayant disparu ou étant ensevelis sous la végétation, cela conforte l’idée des promeneurs que la zone était inhabitée, mais il n'en est rien. Les feux qui ravagent la garrigue en été font parfois apparaître une partie de ces vestiges. A cette époque les moines bénédictins améliorent largement l’agriculture avec d’ingénieux systèmes d’irrigation et développent la coupe de bois pour la construction et le chauffage. La zone étant épargnée de maladies et de guerres à cette période, elle se développe fortement avec la propagation des cultures de la vigne et des oliviers jusqu'à la disparition totale de la forêt. Il existe toutefois entre les départements des Bouches-du-Rhône et du Var une forêt relique, la forêt de la Saint-Baume, qui semble-t-il représente un exemple de la forêt originelle qui était présente il y a bien longtemps avant la déforestation massive à la place de la garrigue.
Vers la fin du XIII ème siècle, les maîtres verriers font leur apparition dans la région et détruisent les dernières bribes de forêt restantes afin de façon à alimenter leurs fours et confectionner toujours plus de bouteilles de vin. A leur place des milliers de mûriers feront leur apparition pour nourrir une nouvelle économie florissante : le ver à soie.
Puis malgré des crises qui ont bouleversé les populations comme la Guerre de Cent Ans ou la peste, la déforestation n’a pas cessé pour finalement atteindre son apogée en 1850.
En 1860, la région est un véritable océan de vignes, représentant le plus grand vignoble du monde.
Vers 1870, le million de mètres carrés que compte la garrigue entre le Languedoc et la Provence est exploité ! Les gens cultivent la moindre parcelle disponible pour planter des vignes, du pois-chiche, des amandiers, des oliviers, des figuiers et même du blé dans ces terres où l’on n’imaginerait pas pouvoir produire quoi que ce soit aujourd’hui. De ce paysage qui semble limité actuellement pour la plupart des gens, il y avait mille façons d’en vivre il y a peu. On trouvait également des utilisations aux plantes sauvages de la garrigue, la garance, une plante qui s’accroche facilement aux vêtements était utilisée pour faire de la teinture rouge, les bergers se servaient de la résine des genévriers pour soigner les dermatoses de leurs bêtes…
Mais progressivement la nature va reprendre ses droits, au milieu du XX ème siècle l’homme va abandonner ces terres. En une dizaine d’années seulement, plusieurs facteurs conjugués vont provoquer un arrêt presque total de l’exploitation des terres.
Dans les années 50, le tracteur remplace le cheval, cependant il ne peut pas accéder aux parcelles escarpées, ainsi de nombreuses parcelles sont rendues à la nature. Les chemins disparaissent petit à petit et la garrigue se fait de plus en plus impénétrable.
En février 1956, le grand gel provoque la mort de la quasi-totalité des oliviers dont la culture sera abandonnée par les paysans.
Dans le même temps toute l’industrie du charbon de bois s’arrête lors de l’arrivée du pétrole, ainsi les dernières coupes de chêne vert datent des années 60.
Après la guerre, la reconstruction des villes provoque un exode rural massif, les paysans quittent leurs terres pour trouver du travail en ville ; la politique agricole commune ouvre la concurrence étrangère, l’élevage dans la garrigue devient alors peu rentable
Enfin, la grande vague de Myxomatose finit par décourager les derniers récalcitrants, qui voyaient là disparaître lapins et lièvres qui avaient servi de nourriture à des générations.
En l’espace de 10 ans à peine, les moutons, les chevaux, les agriculteurs, les coupeurs de bois et les lapins qui ne laissaient pas un seul bout de forêt repousser disparaissent et c’est pour cela que l’on peut affirmer que le paysage constituant la garrigue n’a pas plus de 50 ans. Paradoxalement on a l’impression que cela a toujours été comme ça.
Toutes ces attaques faites à la nature a fini par changer le type de végétation originel par rapport à celui qu’on y trouve aujourd’hui. L’ombre des grands arbres feuillus (hêtres, érables, tilleuls…) a laissé place à une végétation basse piquante et impénétrable. La roche mère n’affleurait pas avant le déboisement intensif des hommes, il y avait beaucoup d’humus, de matière organique qui la recouvrait. En supprimant la couverture végétale, le sol a été mis à nu, il est donc devenu fortement sensible aux aléas climatiques, le vent et les pluie diluviennes ont alors évacué la terre végétale de ces zones laissant place aux cailloux, c’est ainsi qu’est apparue la garrigue avec son lot de plantes et animaux adaptés à ces conditions de vie devenues difficiles (sécheresse…).
Le soleil est alors présent partout, et l’ombre semble ne pas avoir sa place dans ce milieu aride. Certaines espèces végétales ont alors peu à peu disparues au profit de plantes venant parfois de l’autre côté de la Méditerranée qui sont armées de piquants, de substances toxiques ou fortement aromatiques afin de dissuader les éventuels végétariens de les consommer.
Rarement l’homme aura transformé son milieu de façon aussi importante. Si la déforestation a détruit pendant des centaines d’années ces zones, après l’abandon de toutes les activités humaines la nature a très rapidement repris ses droits et la biodiversité qui s’est accumulée dans la garrigue récemment constituée est devenue extrêmement riche, comptant les espèces de végétaux par centaines sans parler de la faune. Mais ces paysages sont fragiles et paradoxalement il faut intervenir régulièrement dans la garrigue pour la protéger car la laisser à l’abandon serait le meilleur moyen de la tuer ! En effet la garrigue nécessite des coupes et des feux maîtrisés pour offrir un maximum de lieux de vie à la biodiversité. Les activités agricoles y sont donc les bienvenues aujourd’hui pour ouvrir l’espace, créer des champs… mais de manière modérée.
La garrigue constitue un véritable trésor pour les promeneurs et les photographes amateurs, du fait de la beauté et de la diversité de ses richesses. Les périodes les plus fastes sont le printemps et l'automne, au moment où apparaissent le plus la faune et flore variée de ce territoire.
bonjour et merci de ces nombreuses connaissances sur la garrigue
RépondreSupprimercordialement AgnèsB